Gazprom, le sacrifice russe

Principale société de production de gaz en Russie, Gazprom subit de plein fouet les conséquences de l’invasion de l’Ukraine. Un sujet expliqué par Sami Ramdani lors d’une conférence tenue dans la salle Isabelle Autissier, ce dimanche 5 octobre.

C’est une information largement relayée par les médias : l’invasion de l’Ukraine par la Russie entraîne des conséquences désastreuses pour l’économie russe. Ce constat est d’autant plus frappant lorsqu’on s’intéresse au cas de Gazprom, société anonyme russe spécialisée dans l’extraction, le traitement et le transport de gaz naturel.

Depuis les années 2000, les exportations de gaz par les réseaux de Gazprom symbolisaient la puissance énergétique russe. Avant l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, la réduction volontaire des livraisons vers l’Europe permettait de faire grimper les prix du gaz et donc, les recettes. Un décret présidentiel imposait par ailleurs, et impose toujours, le paiement en roubles, renforçant ainsi la stratégie économique du Kremlin.

Mais face à cette pression énergétique, l’Europe a réagi. L’Allemagne, par exemple, a placé sa filiale de Gazprom sous tutelle. Plus largement, la plupart des clients européens ont conclu des contrats à court terme avec d’autres pays pour se fournir en gaz naturel liquéfié. Résultat : la part de la Russie dans les importations européennes de gaz par gazoduc est passée de plus de 40 % en 2021 à environ 11 % en 2024.

Un phénomène qui représente une véritable problématique pour la Russie. En 2023, Gazprom était le principal contributeur au budget fédéral russe, avec un taux de prélèvement fiscal atteignant 56 %. Pour compenser la chute des revenus à l’export, l’autorité de régulation russe a incité l’entreprise à se tourner vers le marché intérieur. Conséquence directe : en trois ans, le prix du gaz pour les ménages russes a augmenté de 6 %. Certains y voient une stratégie visant à renforcer l’assiette fiscale nationale grâce aux investissements de Gazprom.

Autre orientation stratégique : le pivot vers l’Est, notamment vers la Chine. Malgré la construction de gazoducs massifs et l’exportation prévue de près de 98 milliards de mètres cubes d’ici 2035, ce volume resterait inférieur aux quelque 150 milliards exportés chaque année vers l’Europe avant la guerre. D’où la volonté d’investir également en Asie centrale, comme c’est le cas en Ouzbékistan ou au Kazakhstan, avec environ 11 milliards de mètres cubes prévus d’ici 2026.

Mais il en faudra probablement davantage si la Russie espère retrouver son niveau d’exportation d’avant-guerre.