L'Appel à communication 2026
La programmation scientifique du FIG 2026 est mise en œuvre par la direction scientifique et son équipe, en lien avec le Festival. Pour construire une programmation scientifique riche et variée, le Festival lance un appel à communication destiné aux chercheur·euse·s, universitaires, et expert·e·s.
Thème 2026 : « paysage»
Il existe des paysages qui marquent chacun et chacune d’entre nous. Certains plus que d’autres, tous différemment. Le paysage peut être celui que l’on chérit, qui nous attache quelque part, celui qui nous manque, que l’on reconstruit par des souvenirs, que l’on imagine ; il peut être celui que l’on recherche et découvre, celui dans lequel on cohabite avec d’autres, plus ou moins facilement, celui qui oppose ou celui qui mobilise et rassemble, celui que l’on néglige, que l’on refuse de voir ou que l’on veut choyer et protéger au nom d’un collectif. Ce paysage peut être extraordinaire ou ordinaire, proche ou plus lointain, dans l’espace et dans le temps.
Le paysage a longtemps servi aux géographes d’objet de description des milieux naturels et des genres de vie. La remise en question de ces approches descriptives a ouvert des pistes riches : le géosystème, l’écologie du paysage, les approches culturelles, mettant l’accent sur les dimensions sensibles et relationnelles du paysage, ou encore politiques, abordant le paysage comme un enjeu ou un projet. Le contexte d’anthropocène pèse dorénavant sur nos perceptions, nos attachements, nos pratiques, nos choix et c’est aussi à travers le paysage que nous prenons conscience des crises socio-environnementales.
L’équipe du FIG propose d’explorer toutes ces approches et ces relations tissées, individuellement et collectivement, avec un cadre de vie, en allant chercher ce qui questionne, ce qui interpelle, ce qui frotte… Le paysage est façonné par ces tiraillements et en retour, il guide nos choix. Il est à la fois objet d’attention, enjeu de mobilisation, outil de débat et d’action. Il est fait de ressentis et de sentiments, il sollicite l’ensemble de nos sens et fait appel à notre corps, nos corps. Il est fait de matérialités et de subjectivités, il est affaire de cohabitations, de choix politiques à différentes échelles sur un environnement tout autant géophysique que social. Le paysage a ceci de particulier et de précieux qu’il embrasse aussi la dimension esthétique dans la relation que chaque individu, chaque collectif, noue avec lui. Des représentations de paysages se sont imposées au fil du temps, notamment à travers les arts visuels et la fiction. Aujourd’hui par le biais des réseaux, des modèles dominants et des stéréotypes circulent massivement à l’échelle mondiale. Certains paysages font l’objet d’une conservation particulière du fait de leur fragilité, de leur dimension remarquable ou sont valorisés en raison de leur dimension marchande ou patrimoniale. D’autres sont négligés, dégradés, oubliés ou perdent en valeur. Certains encore s’enfrichent, se ferment, au bénéfice de certaines espèces ou au détriment d’autres…
Plutôt rare dans les programmes scolaires aujourd’hui, le paysage est pourtant un levier et un outil pour raisonner en géographie, et saisir les dimensions spatiales des sociétés. Pas besoin d’aller très loin de l’école : en explorant la cour, en arpentant la rue sur le chemin quotidien, on peut déjà se laisser traverser par le paysage, s’exprimer sur ses ambiances, ses qualités, examiner son passé et imaginer son futur. À tous les âges, le paysage invite à partir en enquête, à en collecter les fruits et à les restituer, sous de multiples formes : dessins, croquis, collages, cartes sensibles, captations sonores, maquettes, photographies, vidéos, chorégraphies, mimes…et d’autres formes à inventer. C’est une inépuisable source de questionnement, d’expression, de communication.
En outre, objet interdisciplinaire par excellence, il se comprend d’autant mieux si l’on cherche des explications dans l’histoire, les sciences sociales, les sciences naturelles, dans les sous-sols, dans les flux biophysiques, dans les réseaux et dynamiques du végétal, dans les altérités que nous ne comprenons pas complètement, ou pas encore.
Le paysage n’est donc pas une carte postale consensuelle, il est fabriqué par des acteurs qui discutent, débattent, se décentrent, s’opposent, luttent et s’engagent. Il est aussi outil de négociation pour aider à arbitrer et dessiner ce que nous avons en commun. Le paysage est un ici et maintenant politique, un outil de dialogue et de débat démocratiques, d’alliances inattendues, un enjeu et un horizon.
Pour ce FIG 2026, les propositions s’inscriront dans les 4 axes suivants. La sélection se fera avec une attention particulière à la place donnée aux images, aux sons, aux odeurs, et / ou qui expérimentent des formes originales d’échanges et de discussion avec les publics.
1. Le paysage polysensoriel
Le paysage est longtemps resté l’apanage du seul regard, volontiers surplombant, immobile et contemplatif. Le renouveau actuel du paysage passe tout particulièrement par la reconnaissance des autres sens et de la dimension immersive, polysensorielle de l’expérience paysagère. Ce paysage ressenti n’est pas forcément remarquable ou patrimonial, il est aussi ordinaire, quotidien, banal, parfois inconfortable. Ce paysage des sens témoigne de l’intérêt de la géographie pour les corps qui marchent, arpentent, traînent, se baladent et perçoivent ; pour tous les corps, certains empêchés ou qui perçoivent autrement. Cet axe invite à s’intéresser aux méthodes et dispositifs permettant cette exploration du sensible.
2. Le paysage : entre fractures, négociations et cohabitations
Le paysage est souvent présenté comme un concept consensuel. Pourtant, parler de paysage revient d’abord à questionner les rapports de force qui ont pour conséquences des transformations, spatiales et culturelles. Cet axe invite à considérer la dimension politique du paysage, faite de tensions, de conflits voire de luttes mais aussi de compromis et de cohabitations possibles, dont l’imaginaire ne cesse de se renouveler. Ces négociations se jouent aussi entre les sociétés humaines et les habitants non-humains des milieux : territoires animaux, dynamiques végétales, partage des ressources… Les stratégies de recomposition des positions nous intéressent particulièrement (redessiner les lignes de front du paysage, construire de nouvelles alliances, valoriser la figure du compromis…).
3. Chercher derrière la carte postale, ici, ailleurs
De la carte postale aux réseaux sociaux en passant par la peinture, les images de paysages témoignent des regards que les individus et les sociétés portent sur le monde, jusqu’à former des stéréotypes ou des archétypes. La géographie critique et postcoloniale a notamment su déconstruire l’européocentrisme et l’exotisation des ailleurs. Aussi, nous souhaitons nous centrer sur la manière dont les habitants, ici et ailleurs, perçoivent et interprètent leurs propres paysages, mais également la façon dont ils réceptionnent les regards extérieurs (par exemple, ceux des touristes). Les regards sur les paysages sont donc multiples et, ensemble, participent à façonner des paysages.
4. Paysages de la dévastation et de l’espoir
Les paysages comprennent aussi les paysages dévastés : par l’exploitation intensive des ressources, par les pollutions qui contaminent les sols et les vivants, humains comme non humains, par les guerres. Les paysages usés ou ravagés impliquent des acteurs : certains détruisent, mais d’autres aussi réparent, réutilisent et reconstruisent sur l’abîmé, le disparu, sur ce qu’il reste. Soigner, recycler, ménager les paysages et les sociétés qui les habitent, c’est faire des paysages un moteur d’action pour soi et les plus vulnérables, pour le présent et le futur. Le paysage porte donc un espoir : celui d’un commun pour lequel penser et agir collectivement, avec lequel s’émerveiller, faisant de la place au minuscule et au temps long géologique ; en somme, celui d’un horizon à (se) construire en s’inspirant d’utopies, d’imaginaires variés, d’imagination individuelle et de représentations collectives plurielles.
Pays à l'honneur 2026 : la Bulgarie et la Roumanie
En octobre 2026, nous serons à la veille du vingtième anniversaire du plus grand élargissement qu’ait connu l’Union européenne. Commencé en 2004, il se poursuit en 2007 avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. C’est à partir de ces deux pays que le FIG souhaite revenir sur deux décennies d’intégration et cerner les forces, les faiblesses et les attentes actuelles de l’Union, dans un contexte géopolitique inédit de crises et de conflits en Europe. Comment l’entrée par la Bulgarie et la Roumanie peut-elle enrichir notre compréhension de l’Europe ?
Ces deux pays ont de nombreux points communs qui font l’intérêt d’une analyse conjointe : entrés ensemble dans l’espace Schengen le 1er janvier 2025, leur situation les place comme interface sur la mer Noire, cœur d’une géopolitique fragmentée, et en position d’entre-deux entre l’est et l’ouest de l’Europe. Ils ont aussi en partage, sur une partie de leur frontière commune, le Danube et ses enjeux environnementaux majeurs. Les contrastes des recompositions territoriales après l’adhésion, la variété des paysages -des campagnes aux montagnes- ou encore les conséquences de l’affaissement démographique nous invitent aussi à explorer les différences entre ces deux pays d’une autre Europe, encore mal connus.
1. Une autre Europe
En position d’entre-deux, des Balkans et de l’Europe centrale et orientale, Bulgarie et Roumanie ont fait le chemin de l’est vers l’ouest en s’arrimant à l’Union européenne (UE) en 2007.
Ces deux cousines européennes sont pourtant aussi différentes l’une de l’autre et d’une image commune que l’on se fait d’une Europe occidentalisée. Avec des paysages juxtaposés d’influences diverses -les mêmes villes ont porté des noms roumains ou bulgares mais aussi allemand, hongrois ou turc-, espaces de contact des alphabets cyrillique et latin et des christianismes romain et orthodoxe, les deux Etats sont nés de la gangue des empires. La Bulgarie et la Roumanie sont des pays de confins, de transitions et de rencontres marqués de chevauchements successifs d’empreintes historiques, culturelles et politiques multiples. La ruralité y est encore bien présente dans une grande diversité entre campagnes et montagnes des forêts, transformée par les enjeux environnementaux et les bouleversements démographiques.
De cette autre Europe, les interventions sont invitées à en montrer les paysages, thème principal de cette édition du FIG, dans leur diversité multisensorielle, dans leurs évolutions et dans la pluralité des regards que l’on peut porter sur des pays qui s’étendent des Rhodopes balkaniques aux confins des Carpathes, des rives de la mer Noire aux plaines du Danube.
2. Les défis de l’européanisation de la Bulgarie et de la Roumanie
Vingt ans après l’adhésion à l’UE, l’européanisation progresse : après l’entrée des deux pays dans l’espace Schengen au 1er janvier 2025, la Bulgarie adoptera l’euro au 1er janvier 2026. Cependant, derrière l’intégration par la norme communautaire, la cohésion s’éloigne et la compétition demeure. L’européanisation est créatrice de différences entre les territoires et aboutit parfois à la périphérisation. Les capitales, Bucarest et Sofia, captent les investissements et la croissance, les littoraux de la mer Noire et quelques régions frontalières sont menacées par les incertitudes géopolitiques et économiques d’un recul de l’Europe dans le monde. Les forts contrastes de l’intégration européenne font rejouer les effets de situation géographique et sont perçus comme des inégalités voire des injustices qui alimentent un euroscepticisme croissant et un regain de pauvreté.
La Bulgarie et la Roumanie reflètent de façon plus aigüe encore les problématiques démographiques communes à l’Europe : baisse importante de la population par émigration vers l’ouest et très faible natalité (la population bulgare a baissé de 20% depuis 1990, on estime qu’un Roumain sur 4 est en migration), vieillissement de la population, accueil de réfugiés suite à la crise syrienne et plus récemment au conflit en Ukraine. Sur la route migratoire des Balkans pour la Bulgarie, au contact de la zone de guerre ukrainienne pour la Roumanie, les deux pays sont aux avant-postes des tensions qui affectent l’Europe et ses voisinages. La jeune génération de son côté réclame le respect des valeurs de la démocratie et de l’état de droit : l’élection présidentielle roumaine a été annulée puis reportée en 2025, la même année des manifestations d’ampleur secouent le système politique bulgare.
Les propositions de communication sont invitées à explorer les modalités de l’européanisation des territoires roumains et bulgares et les contrastes et disparités qui en découlent.
3. Bulgarie et Roumanie aux avant-postes européens dans un monde en tensions
La mer Noire est désormais le cœur d’une géopolitique fragmentée après avoir été espace de coopération pour l’ouverture de l’UE à de nouveaux horizons. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, la géopolitique des tubes se recompose pour interconnecter les Etats membres à des sources d’hydrocarbures non russes. La Bulgarie et la Roumanie sont au cœur de ces interconnexions et parfois placées en compétition. Mais, compte tenu des tensions dans la région, leur façade de la mer Noire est en perte de vitesse par rapport aux rivages méditerranéens pour capter les nouveaux points d’approvisionnement. Les enjeux sécuritaires du continent européen y ont aussi une place majeure avec l’accueil de forces de l’OTAN à laquelle les deux pays ont adhéré en 2004, avant même leur entrée dans l’UE.
Après avoir porté les espoirs du continent retrouvé, le Danube, autre trait d’union entre l’est et l’ouest de l’Europe, est désormais le lieu emblématique des effets du changement climatique qui pèsent sur la biodiversité, provoquent des catastrophes environnementales (sécheresses et inondations) et des pollutions majeures. Fleuve frontalier le plus long entre deux pays européens, il permet aussi d’illustrer les dynamiques des frontières en Europe.
La Bulgarie et la Roumanie sont de nouveau en position de zone tampon avec ses effets de fermeture à l’est, après avoir été interfaces ouvertes. Les communications pourront exposer la place de ces deux pays dans les enjeux mondiaux et régionaux.
La direction scientifique
Victoria Kapps, directrice du FIG
Thibaut Sardier, président de l’ADFIG
Déposez votre communication
Les interventions scientifiques, essentielles au Festival, visent à vulgariser des recherches récentes ou en cours, issues de travaux publiés ou en voie de publication (articles, thèses, ouvrages). Elles mettent en lumière des questionnements actuels de la géographie et doivent être accessibles au grand public grâce à un vocabulaire simple, des supports visuels comme des cartes ou des photographies, et des références à des sujets d’actualité.
En effet, le public du Festival est composé à la fois de géographes (chercheur·euse·s, enseignant·e·s, étudiant·e·s, élèves de tous niveaux…), mais aussi d’amateur·rice·s, de passionné·e·s et de néophytes à qui il faut penser en premier lieu !
L’appel à communication est ouvert jusqu’au 19 janvier 2026 minuit.
À noter :
- Toutes les propositions doivent être adressées via le formulaire en ligne
- Il vous sera demandé un résumé de l’intervention proposée (entre 2 500 et 4 000 signes, espaces compris) et des références principales de bibliographie.