L'Appel à communication 2025
La programmation scientifique du FIG 2025 est mise en œuvre par la direction scientifique et son équipe, en lien avec le Festival. Pour construire une programmation scientifique riche et variée, le Festival lance un appel à communication destiné aux chercheur·euse·s, universitaires, et expert·e·s.
Thème 2025 : « Pouvoir »
« Pouvoir », un thème large et inspirant dont nous souhaitons éclairer les dimensions spatiales. Terme polysémique, à la fois substantif et verbe, si le langage courant assimile le « pouvoir » à une institution, l’Etat, ce terme est bien plus vaste. En géographie, cela renvoie vers la géographie politique et la géopolitique, mais aussi vers toutes les analyses des rapports de domination. Le pouvoir, c’est d’abord une relation entre deux ou plusieurs acteurs et, pour les géographes, c’est une relation d’acteurs sur un ou des territoires, qui prend différentes formes. Le pouvoir s’inscrit dans des spatialités toujours plus diffuses et multiformes, ce qui appelle aussi à interroger les acteurs qui le contestent, et toutes les formes de contre-pouvoir.
« Pouvoir », c’est également un verbe qui indique une « capacité d’agir ». La dimension émancipatrice des processus d’« empouvoirement » interpelle et amène à penser ces relations par le bas, comme par le haut. Par l’observation et l’étude des espaces et des sociétés, ici et ailleurs, les géographes découvrent et analysent ces relations et les questionnent. La discipline réfléchit aussi à son rapport au pouvoir et aux manières dont son travail peut être mis au service des puissants ou des rebelles.
Voici les entrées que nous proposons pour le prochain Festival.
1. Un état du monde
La première concerne l’évolution géopolitique du monde. Le pouvoir sur la scène internationale, s’y exprime au travers des rapports de forces ou des pratiques d’influence et de rayonnement à différentes échelles. Les conflits sont toujours plus présents dans notre actualité, en témoignent l’Ukraine ou le Proche Orient. Ils révèlent un monde en mutation rapide – avec des équilibres internationaux qui se redessinent, la contestation d’un ordre mondial, le retour d’un jeu des puissances, et l’émergence de nouvelles revendications questionnant les relations Nord-Sud. Les nouvelles guerres, en permanentes reconfigurations, interpellent la dimension stratégique de la géographie, dans toutes ses formes – déploiement de forces, renseignement, hybridité des champs de bataille et des combattants, sécurité intérieure, entre autres.
2. Jeux d’acteurs
Une seconde porte d’entrée tourne autour des acteurs et des lieux du pouvoir, dans toute leur diversité, à comprendre dans une tension entre rivalités et coopération. Elle interroge l’organisation spatiale des pouvoirs politiques, leur mode de désignation (élections, cooptation), de fonctionnement et de gouvernance. S’y déclinent différents espaces institutionnels qui se superposent ou se chevauchent, de la municipalité aux collectivités locales, des régions aux villes-monde… S’y expriment aussi, de manière de plus en plus visible, les acteurs de la société civile et les lieux de pouvoirs alternatifs qu’ils investissent, voire des acteurs résistants et dissidents. Les mouvements sociaux dans les pays démocratiques ou plus autoritaires sont également des phénomènes à interroger, au travers des réseaux et des contre-pouvoirs qu’ils forment, et de leurs inscriptions spatiales. Les acteurs privés, agissant du local au transnational, légaux ou illégaux, bouleversent eux-aussi les territorialités, avec des modes opératoires agiles et réticulaires…
3. Capacités d’agir
Une troisième thématique nous amène à s’intéresser à la « capacité d’agir » dans les contextes techniques et environnementaux contemporains. Ainsi, les capacités productives, techniques, technologiques sont traditionnellement comprises par les géographes comme des facteurs de pouvoir, qui élargissent les capacités d’agir des Etats, collectivités, organisations et acteurs privés, comme des individus. Mais cette façon de penser le pouvoir est-elle encore adéquate face aux dégradations environnementales qui menacent l’ensemble de la planète ? Peut-on encore imaginer des pouvoirs sur des territoires, dans une planète où les capacités s’épuisent ? Peut-on observer des expériences alternatives, qui invitent à penser d’autres rapports aux territoires, aux espaces et aux biens communs ? Comment penser le pouvoir face aux non-humains, et à tout ce sur quoi l’humanité n’exerce pas (ou ne peut pas) exercer son contrôle ? Quid des enjeux multiscalaires autour des grands projets d’aménagement ? Comment analyser nos modes de productions, et les rivalités qu’ils entraînent, alors que la notion de souveraineté reprend une place de premier plan dans les discours politiques actuels (souveraineté industrielle, alimentaire, numérique, etc.). Ce décalage entre des approches globales et le regain de compétitions nationales et régionales mérite d’être étudié du point de vue géographique.
4. Pouvoir et numérique
Une quatrième porte d’entrée nous amène à regarder les reconfigurations contemporaines du pouvoir au regard des mutations techniques, de la numérisation du monde et de l’innovation, ingrédients indispensables de la puissance aujourd’hui. A l’heure d’Internet et de la dimension numérique de l’espace, les relations de pouvoir traditionnelles semblent ébranlées. Que l’on parle des attaques informationnelles, des cyberattaques, du pouvoir des plateformes comme Google ou Amazon, des nouvelles capacités de surveillance et de contrôle que permettent la traçabilité de nos données, ou encore de l’Intelligence Artificielle, ces phénomènes nous amènent à observer un déplacement des relations de pouvoir au cœur de nos vies quotidiennes. Les enjeux de cyberdéfense, encore affaire de spécialistes il y a une décennie, sont devenues des domaines centraux de nos doctrines de défense contemporaines. L’ensemble des organisations se modifie pour tenir compte de ces nouvelles menaces protéiformes, qui se nourrissent également des informations laissées par les utilisateurs de leur plein gré. Les activités de renseignements se restructurent autour de nouvelles pratiques (Geoint, Osint), et autour de nouveaux acteurs publics et privés. D’une certaine façon, le numérique, par sa nature technique et topologique, introduit des dynamiques qui remettent en question la répartition des traditionnelle des pouvoirs (nouveaux géants économiques, empouvoirement des acteurs privés, nouvelles formes d’influence via les réseaux sociaux, les podcasts, les influenceurs, etc.).
5. Représentations du pouvoir
Face à ces enjeux, il est essentiel de questionner les manières dont nos imaginaires consolident les structures de pouvoir ou, au contraire, les font vaciller. Les formes d’expression artistique interrogent et critiquent le pouvoir, le mettent en scène ou le préfigurent. Dans les récits comme dans les séries télévisées, le pouvoir est partout, et ses expressions populaires font l’objet d’analyses géographiques critiques. Documentaires ou fictionnels, cartographiques ou symboliques, les images et les sons participent aussi de processus esthétiques qui mettent en jeu pouvoirs et, contre-pouvoirs, et qu’il nous faut explorer ensemble.
Pays invité 2025 : l’Indonésie
Où est l’Indonésie ? Nombre de nos concitoyen·nes ont du mal à situer le quatrième pays le plus peuplé du monde, et ses 275 millions d’habitant·es. Le plus grand archipel du monde, avec ses quelques 18 000 îles étirées d’ouest en est sur plus de 5 000 kilomètres et trois fuseaux horaires, a la stature paradoxale d’un « géant silencieux », comme l’écrivait en 2020 l’historien belge David Van Reybrouck. Ce pays d’Asie du Sud-Est, région qu’Élisée Reclus décrivait comme un « angle de l’Asie » cumule aujourd’hui les attributs de centralité : riverain du détroit de Malacca, le passage maritime le plus fréquenté au monde, il constitue la plus grande économie d’Asie du Sud-Est, et le premier exportateur mondial d’huile de palme, de nickel, d’étain et de clou de girofle. L’immensité et l’éclatement insulaire en font en outre l’un des espaces du globe les plus riches en biodiversité, concentrant près d’un tiers des espèces d’insectes et de reptiles et presque la moitié des poissons du monde.
1. Un État au prisme du pouvoir
Le pouvoir, thème du FIG 2025, représente une clé de lecture décisive de l’espace indonésien, à toutes les échelles. Les propositions d’intervention pourront revenir sur la place de l’Indonésie dans le Monde, en Asie, ou en Asie du Sud-est, afin de questionner les positionnements géopolitiques du pays, par sa maritimité, ses frontières, son déploiement sur tous les continents (via ses étudiant.es, ses travailleur.ses, ou son engagement avec les casques bleus). Cela vaut aussi pour les religions, l’islam au premier plan – l’Indonésie possédant la première communauté musulmane du monde -, mais aussi par la diversité religieuse reconnue dans le pays. La question du pouvoir se pose aussi à l’échelle nationale, autour de la cohésion de cet immense État-archipel, alors que les inégalités spatiales restent marquées entre villes et campagnes, entre Java et les îles extérieures. Le chantier de la nouvelle capitale, Nusantara (« Archipel » en javanais), lancé en 2022, mais aussi les mouvements de contestation du pouvoir central, à l’œuvre notamment en Papouasie, méritent la plus grande attention.
2. Un archipel face au réchauffement climatique
Vaste archipel tropical et carrefour biogéographique, l’Indonésie constitue une mosaïque naturelle d’une rare richesse, des caldeiras volcaniques de Java aux forêts équatoriales de Sumatra et de Bornéo, des plages de Bali et des coraux de Raja Ampat aux neiges du Puncak Jaya, dont on sait maintenant qu’elles ne seront pas éternelles. À l’heure du changement climatique, et sous la pression de modèles de développement souvent prédateurs pour les écosystèmes et leurs habitant·es, cette mosaïque doit aussi être appréhendée sous l’angle de ses vulnérabilités. Des contributions sont donc attendues sur les conséquences du réchauffement climatique, des différents types de pollutions, la dynamique des risques naturels, industriels et technologiques. Il s’agira aussi d’analyser les politiques de gestion et les actions de conservation et/ou de préservation d’environnements précieux et fragiles, ainsi que les politiques de protection des populations vulnérables.
3. Une société en recomposition
La quatrième société du monde est éminemment diverse, avec six religions officiellement reconnues par l’État et plusieurs centaines de langues parlées. Cette diversité a donné lieu, dans un contexte post-colonial, à la construction d’un modèle socio-politique original résumé par la devise nationale « L’unité dans la diversité ». Cela n’a toutefois pas empêché les tensions et, parfois, l’instrumentalisation des questions ethniques et identitaires. Le processus d’émergence, en outre, travaille profondément cette société constituée presque pour moitié de moins de 30 ans. Le développement de la classe moyenne et de ses pratiques de consommation et de loisirs transforme les espaces du tourisme, des loisirs, et les agglomérations urbaines, à commencer par Jakarta, l’une des plus grandes métropoles du monde avec plus de 30 millions d’habitants. Les villes indonésiennes, si elles constituent les points d’ancrage du pays dans la mondialisation, sont aussi les miroirs grossissants des inégalités qui le traversent. Il s’agira de présenter les formes d’une société en émergence, traversée par des recompositions et des tensions fortes, dans un contexte de fragilités démocratiques.
En désignant l’Indonésie comme pays invité 2025, le FIG entend lui donner une place dans les repères et la culture géographique de nos concitoyen·nes à la hauteur des enjeux qu’elle incarne aujourd’hui.
La direction scientifique
Amaël Cattaruzza, Judicaelle Dietrich, Rémi Desmoulière et l’équipe d’appui à la programmation
Victoria Kapps, directrice du FIG
Thibaut Sardier, président de l’ADFIG
Déposez votre communication
Les interventions scientifiques, essentielles au Festival, visent à vulgariser des recherches récentes ou en cours, issues de travaux publiés ou en voie de publication (articles, thèses, ouvrages). Elles mettent en lumière des questionnements actuels de la géographie et doivent être accessibles au grand public grâce à un vocabulaire simple, des supports visuels comme des cartes ou des photographies, et des références à des sujets d’actualité.
En effet, le public du Festival est composé à la fois de géographes (chercheur·euse·s, enseignant·e·s, étudiant·e·s, élèves de tous niveaux…), mais aussi d’amateur·rice·s, de passionné·e·s et de néophytes à qui il faut penser en premier lieu !
L’appel à communication est ouvert jusqu’au 26 janvier 2025 minuit.
À noter :
- Toutes les propositions doivent être adressées via le formulaire en ligne
- Il vous sera demandé un résumé de l’intervention proposée (entre 2 500 et 4 000 signes, espaces compris) et 5 références principales de bibliographie.