Thème 2023 : « urgences »
Comment la géographie peut-elle aborder la thématique des « urgences », et d’abord qu’est-ce que l’urgence ?
L’idée de cette thématique, c’est d’analyser les manières par lesquelles l’urgence refait surface dans nos vies. On pense évidemment à la guerre en Ukraine qui, depuis le 24 février 2022, a violemment fait réapparaître le spectre de la guerre en Europe. On pense aussi, évidemment, à l’urgence écologique et climatique et cet été nous a largement rappelé cette urgence, du fait de la canicule, de la sécheresse ou des catastrophes naturelles qui se sont multipliées. Tous ces événements ont pour conséquence de rendre omniprésente une sorte d’état d’urgence permanent, soit qu’il faille se protéger contre un ou des agresseurs, soit qu’il faille se défaire de manières de vivre pour ne pas mettre en péril les générations futures.
Florian Opillard, directeur scientifique 2023
Mais qu’est-ce que la géographie a à dire sur l’urgence ?
Dans l’urgence on est individuellement soumis et soumises à des contraintes et des tensions telles qu’on en perd bien souvent la capacité de faire sens de ce qui arrive. On comprend alors l’importance qu’il peut y avoir à s’intéresser à ces moments d’urgence, souvent ponctuels, qui impliquent des reconfigurations de notre rapport individuel au temps et, bien entendu, à l’espace. Nous pensons ici aux confinements COVID, à la reconfiguration forcée des mobilités ou l’impossibilité de se toucher entre proches.
Mais l’urgence n’est bien entendu pas qu’individuelle, elle est aussi, et je dirais pour ma part principalement, un fait politique. On pense là immédiatement à des termes juridiques qui ont récemment utilisé le terme pour exercer de la contrainte (dispositif d’état d’urgence), ou aux liens qui peuvent être faits avec la succession vertigineuse des catastrophes naturelles ces dernières années, et la mobilisation quasi permanente du monde de la gestion de crise ou de monde de l’urgence climatique, pompiers, sécurité civile, armée, ONG notamment. Il s’agira donc d’interroger comment l’urgence transforme les manières de gouverner : en amont de l’urgence, par la création de politiques d’anticipation et de prospective ; en aval, par la réponse étatique en temps de crise, visant à réinsérer du lien dans les systèmes territoriaux. Elle se manifeste enfin par la difficulté à planifier et à se projeter sur du long terme.
Pays invité 2023 : le Chili
Le Chili et sa folle géographie ont fait couler beaucoup d’encre géographique que ce soit sur des objets ou des thèmes qui lui sont propres (autochtonie, Patagonie, mines de cuivre) que sur d’autres plus génériques mais qui y prennent un tour exacerbé (agriculture d’exportation, villes, incendie) et qui font du pays un miroir grossissant du monde. Il se tient pourtant à sa lointaine périphérie sud-américaine mais les images des événements (coup d’Etat du 11 septembre 1973, séisme de Valdivia en 1960, estallido social d’octobre 2019) et des processus qui s’y déroulent, sociaux, politiques, économiques sont aussi très documentés visuellement, musicalement et par l’écriture scientifique ou artistique. Nous désirons à l’occasion de la mise en lumière du Chili dans le cadre du FIG 2023 tenter de comprendre ce paradoxe de la fascination et de l’imagination générée par ces terres si lointaines.