Mémona Hintermann, itinéraire d’une enfant déterminée


Lors d’un café littéraire organisé tôt dimanche matin au bar Thiers, pour la circonstance plein comme un œuf, Mémona Hintermann s'est dite émue de voir tout ce monde venu la rencontrer. D’aucuns assurent que, dans la vie, il n’existe pas de hasard.

 

Cette femme au tempérament de battante confiait qu’elle pense plutôt à des situations qui se présentent. « Dans l'existence, il arrive des rencontres, des opportunités, il ne faut pas chercher très loin nos trajectoires. A la Réunion où je suis née d'un père musulman, d'une mère catholique, dans une famille pauvre de onze enfants, le rêve des parents étaient de voir leur fille devenir maîtresse d’école, pied de riz comme on dit ici, car le métier nourrit. L’école de la République, où l’on se rendait souvent le ventre vide, nous a sauvés. J’ai voulu être reporter pour raconter le monde ! » Mémona l’est devenue peut-être simplement parce qu’elle portait le métier en elle.

« J’étais une toute jeune fille en 1971 lorsque j’ai participé au concours de l’ORTF destiné à des jeunes qui pourraient accéder à la voie de la presse. A la question, c’est quoi un journaliste, j’ai cité Camus en déclarant qu’un journaliste est un historien de l’instant. » La petite Française aux origines créoles remporte l’épreuve. Ce sera le début d’une carrière exceptionnelle.

Devenue journaliste internationale, de la génération des pionnières, Mémona Hintermann a chaussé les semelles de grand reporter pour sillonner le monde. Sa carte de presse pour passeport, elle s’est engagée avec le succès que l’on connait sur les principales zones de conflits. « Ce n’est pas la guerre qui m’intéresse, ce sont les gens qui vivent la guerre ! Mais je ne fais pas de hiérarchie journalistique. C’est juste une question de degrés. Pour le journaliste local, la difficulté n’est pas moindre. »

En janvier 2013, Mémona Hintermann est nommée pour six ans conseillère au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ( CSA), elle y conduira une action globale visant à laminer les lacunes de cette institution. « Par exemple, à propos d’internet, on a avancé, j’ai bon espoir que les outils nouveaux seront efficaces. Il y a péril en la demeure ! »

Catholique, Mémona aime viscéralement la France, elle regrette que son pays n’ait pas réussi à ce jour à reproduire le modèle réunionnais multiracial, multiculturel. « Il faut rendre l’espace vivable à tous, la Réunion est un vrai petit laboratoire à l’intérieur duquel chacun respecte l’autre. Je ne suis pas une nationaliste, mais je suis patriote. »

Toujours journaliste, Mémona Hintermann aime ce qui rapproche les gens. « Le FIG, c’est l’occasion de voir qui vous êtes, ce que vous faites, comment vous pensez. Je crois profondément en l’implication de la société. Ici, avec tous les bénévoles qui rejoignent les organisateurs, il y a du ressort. On fait quelque chose ensemble. Nous sommes tous importants ! J’aime les jeunes, mais nous, plus âgés, nous ne sommes pas périmés ! » Mémona Hintermann titre son nouveau livre par une question : « Une journaliste ne devrait pas dire cela ? » Telle qu’on connaît cette femme insatiable de vérité, elle y aborde son parcours sans tabous, ni langue de bois.

 

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