Grand entretien : ces mythologies qui nous animent


La 33e édition du Festival International de Géographie s’honore d’accueillir des pointures de la littérature, parmi lesquelles Gonçalo M. Tavares, poète et romancier portugais considéré comme l’un des plus grands noms de la littérature contemporaine.

Invité samedi après-midi à l’Hôtel de Ville, Gonçalo M. Tavares est né en 1970 en Angola. Après des études supérieures de physique, sports et art, il devient professeur d’épistémologie à l’université de Lisbonne. En 2000, il se lance en littérature. Distingué maintes et maintes fois par des prix prestigieux, entre autres en France, par le Meilleur livre étranger pour « Apprendre à prier à l'ère de la technique ».

Son œuvre, traduite dans une cinquantaine de pays, regroupant des romans, des poésies, du théâtre, des contes, des chroniques… est déjà considérable. « De quoi remplir une bibliothèque à lui tout seul ! » soulignait, Damien Colombo, journaliste et animateur de la rencontre.

Mythologies, un ouvrage traduit du portugais par Dominique Nedellec, a donné lieu à des précisions de l’auteur. Lequel a souhaité en premier lieu confier comment il en est venu à écrire. Une explication, dont il a dit ressentir le besoin, et qu’il puise dans l’enfance de son père, très pauvre et qui allait à l’école pieds nus. Un garçon doué qui réalisa des études grâce à l’insistance « d’une armée de professeurs ». Et qui fut si bon élève qu’à 16 ans, il représenta son pays, le Portugal à New-York. Gonçalo M. Tavares se souvient avoir passé son enfance chez son père, devenu ingénieur, qui possédait une bibliothèque de deux étages.

L’auteur, hôte du FIG, donne le monde à penser autrement que mue par des mythologies. « J’écris avec l’objectif d’assembler le tragique et le comique. Ce qui produit une énergie que chaque lecteur peut interpréter à sa façon. Il y a, aux 20e et au 21e siècles, conflit entre l’humain et les machines ».

Gonçalo M. Tavares met l’accent sur les dérives de la technique. « Lorsque je vais dans un bar, j’entends les gens parler, tous du même sujet, souvent présenté la veille à la télévision. À quoi sert la démocratie si tout le monde dit la même chose ? Lorsqu’on lit un livre, c’est différent, on se fait sa propre idée. L’idéal serait quelqu’un qui se lève tous les jours et qui dirait "à quoi vais-je réfléchir aujourd’hui ?" ».

L’écrivain exprimait aussi son horreur de constater « comment, en Occident, les machines nous font regarder les plus vieux d’entre nous. L’idée de prendre un humain et de l’enfermer à vie dans un lieu où il ne connaît personne est de la plus grande cruauté que l’on puisse concevoir ! Seulement 2 à 5 % des personnes meurent avec leurs familles et leurs amis près d’eux. 30 à 40 % meurent seuls à l’hôpital, entourés de machines. C’est une folie. Une mythologie actuelle veut que nous vivions plus longtemps. Nous sommes toujours dans la mythologie de la machine. Il y a confit avec l’humain. Il y a des machines qui rendent fous ! » Et d’ajouter « La gentillesse est l’une des seules possibilités de lutter contre les machines. La gentillesse, c’est simplement de traiter l’autre sachant qu’il va mourir ! »

grand entretien ces mythologies qui nous animent 01 10 2022