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« Le principe de santé globale n'est possible que si l'on supprime les frontières »



La question des inégalités de santé ne date pas d'hier, mais avec la crise du Covid-19, elle n'a peut-être jamais autant sauté aux yeux. Réunies à l'espace Georges-Sadoul, Anne-Cécile Hoyez, chercheuse au CNRS, et Anne-Marie Moulin, médecin émérite, ont débattu, à l'occasion d'une table ronde animée par Catherine Calvet, des causes, conséquences et possibles solutions pour lutter contre ces inégalités.

 

« Quand j'ai commencé, j'ai d'abord fait six mois en France. Ensuite je suis partie en Tunisie. En France, je n'avais jamais vu mourir un nourrisson. Arrivée là-bas, un bébé atteint de méningite est mort sous mes yeux sans que je puisse rien faire. C'est là que les inégalités liées à la santé m'ont frappé». Dès ses premiers mots, Anne-Marie Moulin, philosophe et médecin ayant exercé aux quatres coins du monde, du Yémen à l'Egypte, ne cache rien de la réalité de ces inégalités pour des millions de personnes. Des inégalités «pas toujours faciles à comprendre dans leur reproduction et leur perduration dans le temps», comme les décrit la géographe Anne-Cécile Hoyez.

Une épidémie prévisible mais des dégâts profonds

En France, ce sont les soignants qui sont les plus représentatifs de ces inégalités pendant le Covid. Comme le décrit la chercheuse, la France n'est pas si mal lotie «mais leur répartition pose problème». Anne-Marie Moulin abonde dans ce sens et va même plus loin, «leur révolte contre la vaccination révèle quelque chose qui va bien au-delà de la vaccination. L’hôpital fragilisé par la T2A et le développement des stratégies managériales a vu la solidarité entre ses membres voler en éclat.» Pour autant, les deux intervenantes conviennent d'un point. Une telle épidémie était prévisible. «Si l'on regarde un peu l'histoire de la santé, tous les indicateurs tendent vers cela», décrypte Anne-Cécile Hoyez.

Au rang des solutions, les conférencières mettent en avant le concept de santé globale, porté par l'OMS. «Cette échelle veut dire plusieurs choses. Une échelle globale, ce n'est pas une échelle internationale ni mondiale. Il faut se poser les questions des grands principes que l'on doit suivre pour réduire les inégalités. Dans des très grandes échelles comme à l'échelle de l'individu.»

Mais cette vision se heurte à une barrière : les nationalismes, omniprésents dans le médical. «Même les vaccins ont des passeports. On parle des vaccins américains, russes, chinois» s'indignent les chercheuses avant de conclure «Aujourd'hui on fait collaborer médecins et vétérinaires pour une meilleure prise en charge de la santé humaine et animale. Cela suppose aussi la prise en compte de la santé mentale et au travail mais tout ça n'est valide que si l'on supprime les frontières pour la santé.»