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« Il faut déculpabiliser les parents »



La rencontre entre Catherine Dolto, haptothérapeute, et les autrices Anne-Sophie Brasme et Céline Lapertot, ce dimanche matin au chapiteau Rouages, était consacrée aux violences familiales. A travers deux lectures particulièrement fortes et dures, le côté polymorphe de ces violences était évident.

 

Sylvia, maman de Colombe, 2 mois. Sylvia, maman en pleine dépression post-partum, se sent craquer et flirte avec l’impensable face aux pleurs de son enfant («Que rien ne tremble», Fayard, par Anne-Sophie Brasme).

En guise de cadeau d’anniversaire, Roger, 10 ans, voit un frère de 5 ans débarquer brutalement dans sa vie. Un frère avec lequel il devra composer mais qu’il n’acceptera jamais. («Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance », Viviane-Hamy, par Céline Lapertot)

Deux situations comme un tout petit aperçu du visage que peuvent prendre les violences familiales, que les autrices ont tenté d’analyser, avec l’expertise du Dr Catherine Dolto, psychothérapeute, haptothérapeute et écrivain, présidente du Salon du Livre 2021.

Deux situations comme autant de points de départ d’une réflexion sur le comportement des parents. Avec quelques règles fondamentales. Comme accompagner les parents et l’enfant bien avant la naissance. Parce que «la naissance, c’est un cataclysme pour la femme, pour l’homme, pour le couple. Cataclysme dans le sens «bouleversement complet». La grossesse est mythifiée mais non, une grossesse n’est pas rose bonbon et il faut s’y préparer. Tout bébé naît avec le pire et le meilleur, à nous de faire sortir le meilleur. Il faut absolument briser le tabou de la maternité heureuse et parfaite», soutient Catherine Dolto. S’appuyant sur son expérience de mère, Anne-Sophie Brasme affirme avoir tout lu de l’éducation positive. «Et je culpabilisais quand je voyais que je ne respectais pas les conseils. Où commence la violence ? Oui, j’ai crié sur ma fille ; oui, je l’ai sûrement traumatisée...» Catherine Dolto la rassure, et rassure en même temps les parents qui composent l’assistance. «Le sentiment de culpabilité est un poison. On ne peut pas éduquer sans y mettre les formes de temps en temps. L’enfant doit être contenu, ne doit pas être plus fort que ses parents.  Il faut vraiment déculpabiliser les parents.»

Le récit de Céline Laperto et le parcours de vie de cette enseignante alsacienne permettent à l’haptothérapeute d’aller plus loin dans les explications. «La maltraitance par négligence, c’est ce qu’on ne fait pas. Une famille est un système. Pour qu’un système fonctionne, il faut que chacun tienne sa place. Un parent qui ne gronde pas quand c’est nécessaire, c’est un abandon, donc une maltraitance. La maltraitance, c’est ne pas donner de sens. Il faut discuter avec l’enfant, même si c’est pour lui demander comment il fait pour nous énerver autant… L’absence de mot peut être pire qu’une fessée.»

« Je suis issue d’une famille de saintes mères, témoigne Anne-Sophie Brasme. J’ai dû me construire en dehors de ça parce que je ne serai jamais une mère sacrificielle.» «Une lignée de saintes mères… ça c’est de la maltraitance ! affirme Catherine Dolto. Les parents qui ne doutent jamais, qui ne se remettent jamais en question, sont maltraitants. Il faut dire aux enfants qu’on n’est pas surpuissants.»

Présence des soignants, limites des institutions, sentiment de solitude, soutien social… sont autant de points abordés ce matin. Le public a regretté que le débat se soit cantonné à la maternité et n’ait pas été élargi à l’ensemble des formes de violences familiales. Un sujet malheureusement tellement vaste...