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« Pour que tu deviennes l’adulte que tu portes en toi »



Catherine Dolto, fille de… Oui, et alors ? Ce médecin, haptothérapeute et écrivain était l’invitée de Jean Lebrun ce samedi matin, pour un Grand Entretien qui a permis d’aborder ce lien si particulier tissé avec sa famille, mais surtout l’importance de la communication avec l’enfant, même in utero.

 

Elle a étudié le théâtre, elle a étudié la sociologie, elle deviendra finalement psychothérapeute. Pour ne pas rester dans l’ombre de Françoise Dolto, sa mère psychanalyste et pédiatre ? « J’ai une formule toute faite pour répondre à cette question : je n’ai jamais été dans son ombre mais j’ai profité de sa lumière... » Et c’est avec le même sourire particulièrement doux et bienveillant, la voix toujours très posée et énormément d’humour que Catherine Dolto, présidente du Salon du Livre, répond aux questions sur son père. « Un homme difficile à vivre, très exigeant ». Mais aussi « extraordinaire », « formidable ». Un homme qui a quitté sa Russie natale à 19 ans pour accomplir son rêve d’étudier la médecine. Mais avant cela, il avait appris le métier de tourneur-ajusteur, était devenu docker et martelait une phrase qui nous a été répétée ce matin, avec le roulement des « r » qui va bien, suscitant un éclat de rire dans la cathédrale : « Quand tu auras été docker sur les quais de Constantinople, tu pourras venir me faire chier ». Alors non, Catherine Dolto n’a pas été docker sur les quais de Constantinople, mais se plaignait parfois de ce père auprès de sa mère. « Elle me répondait qu’elle l’aimait, que si l’un de nous devait quitter la maison, ça serait moi mais que je ne devais pas m’inquiéter, qu’on me trouverait quelque chose de bien. Je vous garantis que ça calme ! »

« Je ne pensais pas, de mon vivant, voir des soignants aussi détruits »

Et la psychanalyse dans tout ça ? « C’est acquérir sa liberté intérieure ; c’est un voyage passionnant, un processus de libération pour quelqu’un qui s’intéresse à la vie. C’est déposer quelque part ce qu’on n’a pas besoin d’emporter. » Catherine en a fait deux, des analyses. Pour un total de onze années. Elles lui ont permis de se libérer, de sortir de l’enfermement dans lequel l’a placé un obstétricien après un acte technique « de très haute volée ». Elles lui ont permis aussi de comprendre que pendant qu’une femme accouche, un enfant naît, et que ce sont deux choses totalement différentes. Alors l’accompagnement de l’enfant in uterin est devenu le cœur de son engagement médical, le programme prénatal le fil rouge de son action. « L’enfant est en quête de communication très tôt, bien avant sa naissance. Rassurer un être in utérin et l’accompagner pendant quelques années après sa naissance, c’est lui ouvrir la voie affective et intellectuelle qui lui permettra de prendre le dessus sur la peur. Les enfants sont les athlètes de l’amour, vous leur donnez une petite prise et ils en font quelque chose. » Vous leur donnez également du sens et des outils, et ils se « dépatouilleront avec leurs contradictions ». C’est ce que leur explique Catherine Dolto : « Je suis là pour que tu puisses devenir l’adulte que tu portes en toi. »

A cet instant du Grand Entretien, la voix de la présidente du Salon du Livre se fait moins convaincue. Jean Lebrun le relève. « Oui, je suis inquiète pour les métiers d’engagement auprès de la petite-enfance qui sont de plus en plus enfermés dans une rigidité administrative, un carcan qui fait que les enfants sont moins bien accueillis, que les professionnels sont moins souples et moins créatifs. Je ne pensais pas, de mon vivant, voir des soignants aussi détruits par ces grilles. Notre société est défaillante dans l’accueil de qualité de l’enfant comme elle l’est dans la fin de vie de qualité. »

 

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