TWEET front

Des corps à la frontière !



Les sujets des frontières et des migrants polarisent. Lors de la table ronde consacrée aux frontières de l’Europe, les stratégies corporelles lors des contrôles ont été abordées. Traité sous deux angles, sociologique et géographique, ce phénomène ne peut s’avérer qu’intéressant.

 

Votre passeport à la main, vous vous apprêtez à prendre l’avion vers un pays étranger. La frontière est imperceptible, vous ne ressentez pas le passage d’un pays à l’autre. A l’inverse, certains sentiront ce franchissement. Aussi bien physiquement, dû à la présence de barbelés, que psychologiquement. C’est ce qu’ont cherché à faire comprendre Camille Guenebeaud, géographe, et Elsa Tyszler, sociologue. Au travers de leurs thèses, ils ont couvert la sélection des migrants sur critères corporels aux frontières de l’Europe. Le sujet est traité avec les exemples de Calais et de Melilla, ville espagnole au Maroc.

Face aux flux massifs de migrants, les contrôles aux frontières se durcissent. A Calais, des stratégies prennent forme pour empêcher le passage des frontières. Entre 1999 et 2015, la largeur des barrières a triplé autour du port et du site du tunnel. Les autorités tâchent aussi de rendre la vie des migrants impossible en limitant l’accès à la nourriture, au sommeil, aux tentes, cela dans le cadre d’une politique de l’inquiétude. Du gaz lacrymogène peut être jeté volontairement sur les arrivées d’eau. Ces exemples sont l’illustration d’un système structurel dans lequel les policiers sont parfois obligés de coopérer.

Mais la question centrale reste celle du corps. Comment discerner un migrant d’un non-migrant ? Camille Guenebeaud met en évidence que les autorités à Calais ont des images pré-faites de migrants (peau noire, mal habillés). Une personne blanche a alors plus de chance de passer la frontière discrètement. Il en est de même à Melilla, où les personnes qui sautent les barrières sont noires et en manque d’argent. Franchir la frontière en passant par les portes ou en prenant un véhicule est impossible puisque trop coûteux. Seules les personnes blanches passent sans encombres.

Lors des contrôles aux frontières de Melilla, Elsa Tyszler prévient sur le risque de violences sexuelles pour les femmes. Les hommes sont eux plus sujets à être battus. Les migrants développent des stratégies en conséquence pour contourner ces contrôles. Les hommes, parce que plus musclés dans l’imaginaire collectif, passent au-dessus des barrières en masse. Les femmes, quant à elles, se réduisent parfois à tomber enceintes afin d’être acceptées. La présence d’un enfant incite les autorités à laisser entrer les personnes. Une vision qui peut paraitre paradoxale quand l’objectif visé est de laisser entrer le moins de monde possible.

 

Frontieres de leurope